En 1998, le photographe et graphiste Laurent Seroussi détourne les codes du hip-hop et signe les portraits iconiques de Joey Starr et Kool Shen sur l’ultime album du groupe : Suprême NTM.
La pochette est devenu culte qu’iiconi célèbre dans son format atypique et premium en 2 cadres connectés: Joey Starr et Kool Shen
iiconi : Qu’évoquait NTM pour vous avant de réaliser la pochette de Suprême NTM ?
Laurent Seroussi : Je faisais du graffiti depuis l’âge de 14 ans, j’étais donc proche de l’univers hip-hop et NTM est le premier groupe avec qui j’ai travaillé dont je possédais des albums. Je connaissais donc leur univers, et j’étais aussi conscient de la problématique du label Sony, qui était préoccupé par la vision assez floue du public sur NTM. Tout comme IAM, NTM était d’abord identifié comme un collectif, on avait du mal à définir leur noyau dur beaucoup d’intervenants gravitaient autour de ces groupes. En résumé, le grand public ne savait pas qui était NTM, et Sony est venu me voir en me demandant de montrer que NTM était Kool Shen et Joey Starr, point.
Quel concept as-tu imaginé pour mieux les identifier ?
J’ai voulu les séparer sur la pochette. À l’époque, le CD était encore un objet important, et l’idée était d’illustrer de la même manière l’avant et l’arrière du CD avec un code-barre de chaque côté pour que les vendeurs ne puissent pas les ranger de la même manière dans les rayons. Dans les présentoirs, on pouvait donc voir le visage de Kool Shen ou celui de Joey Starr selon les magasins.
Où a eu lieu la prise de vue de la pochette de Suprême NTM ?
Le shooting a eu lieu dans un studio dans lequel ils étaient en train d’enregistrer l’album. J’avais installé un petit studio de fortune, et le fait d’assister à la création des morceaux et de les avoir en fond sonore était super-motivant. Lors du shooting, je les ai fait chacun poser sur un fond noir, avec derrière eux et de chaque côté un miroir à 45 degrés, de manière à pouvoir systématiquement shooter à la fois la face et les profils gauches et droits sur le même cliché. Sur la pochette, l’image finale est le portrait simple, mais à un moment donné, j’avais eu en tête de l’illustrer avec chaque expression de leurs visages. J’avais aussi choisi une lumière est très dure, histoire de bien accentuer les traits.
La pochette de Suprême NTM s’écarte délibérément des codes du hip-hop en lorgnant vers ceux de la musique électronique. Etait-ce voulu ?
Absolument ! Pour moi, les codes visuels du hip-hop s’embourbaient dans la redite depuis une dizaine d’années, mais Kool Shen voulait continuer dans cette direction. Il était le gardien du temple de l’histoire du hip-hop et il avait peur de déroger à la règle. Il y a eu beaucoup de discussions, car il ne voulait pas toucher à la sainte-Basilique (rires) ! C’est pourtant la raison pour laquelle cette pochette a autant marqué, car elle est radicalement différente de ce qui se faisait à l’époque dans le hip-hop… Au moment de la sortie de l’album, Joey Starr a déclaré en interview que cette pochette tabassait, et il était très content de son impact.
Comment avez-vous obtenu le bleu si caractéristique de la pochette de Suprême NTM ?
J’ai beaucoup travaillé sur ce bleu. Étant aussi graphiste, j’avais une bonne connaissance des techniques d’impression et pour obtenir ce bleu, je suis allé chercher dans des couches de jaune et de magenta en tirant des informations pour les ajouter au bleu voulu.
Le nom de NTM n’apparaît pas non plus sur la pochette…
En étant graphiste, j’ai également beaucoup travaillé sur la typographie, qui est un marqueur dans le temps qui peut être très pratique quand on veut être à la mode, mais qui peut aussi être un handicap phénoménal lorsqu’on est un artiste musical qui a envie que son album soit pérenne. Je tiens aussi beaucoup à cette pérennité pour les images, car coller une typographie sur une image est le meilleur moyen de l’enterrer dans son époque.
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